La Cabane pour Jean Genet, David Michael Clarke, 2009
Don de l’artiste
À l’occasion de la manifestation l’Art dans les jardins de 2009 à Château Gontier, David Michael Clarke réalise une sculpture in situ pour le jardin « littéraire » de son amie Annick Philiponet. Il choisit de réaliser une cabane pour Jean Genet en se référant aux années que l’écrivain passe dans la colonie pénitentiaire de Mettray (village des environs de Tours) réservée aux jeunes hommes de moins de 21 ans.
Ce centre est créé en 1839 par le philanthrope Frédéric-Auguste Demetz et l’architecte Abel Blouet. Par la façon dont il répond à un certain nombre de problèmes inhérents au système carcéral de l’époque (il propose la non communication entre les jeunes délinquants et les criminels endurcis, l’absence de murs à proprement parler au profit d’une enceinte végétale, l’apprentissage par les détenus d’un large éventail de métiers pour permettre leur réinsertion…) il devient un modèle international pour la rééducation et la réinsertion de jeunes.
D.M.Clarke reprend les proportions des cinq grandes bâtisses où dorment et vivent les détenus pour réaliser sa propre cabane. Il rappelle le mode de vie des jeunes garçons fondé sur la discipline marine – ils accrochaient leur hamac le soir et le dépendait le matin pour pouvoir déplier les tables du petit déjeuner – en installant dans la cabane un hamac et une petite table pliante à la disposition des visiteurs. Le système de surveillance assez dur qui existait à l’arrivée de Jean Genet est suggéré par la forme en verre de lunettes des deux fenêtres ; de l’extérieur, elles évoquent aussi bien les oculi du beffroi des églises que des maisons du directeur des usines paternalistes tandis que de l’intérieur, il semble au visiteur qu’il regarde le paysage alentour par les orbites d’un géant , depuis l’intérieur de son crâne. De cette manière, la Cabane pour Jean Genet dépasse son simple statut de sculpture pour se transformer en un objet tridimensionnel, une sorte de chambre proche de la camera obscura destinée non pas à être vue mais conçue comme un point d’observation donnant sur le monde extérieur.
Pour ne pas tomber dans le piège de l’illustration et de la nostalgie, D.M.Clarke demande au poète Pierre Giquel d’écrire un texte à Jean Genet, poème laissé dans la cabane, à la vue de tous.
Lors de l’installation de la Cabane pour Jean Genet à Piacé, il est apparu à D.M.Clarke que sa sculpture aux airs de cabanon de jardin rappelait de manière troublante le cabanon de Le Corbusier construit en 1949 à Roquebrune-Cap-Martin. De l’hommage à un écrivain dont les sources et les influences littéraires découlent d’une expérience en milieu carcéral à la comparaison avec une expérience inédite et minimaliste d’un grand architecte, l’œuvre de David Michael Clarke se trouve à la frontière entre plusieurs types d’expressions classiques tout en interrogeant la place du spectateur-visiteur qui est convié à s’approprier ce lieu de retraite et de méditation.
Texte de Roma Lambert